mardi 6 août 2013

Çà y est,
 le centre de santé de Goundi va être reconstruit !
Grâce à vous tous, nous avons mis 2 ans pour récolter les fonds nécessaires…. Tout simplement génial !

Joie, allégresse, gratitude… quelque chose qui donne le goût de continuer… MERCI, MERCI, MERCI.
Ci-dessous les 2 messages de Léopoldo (médecin directeur de l’hôpital) et celui de Prosper, directeur, qui eux aussi sont heureux.. Le bonheur partagé, un cadeau de la vie..


« Mille milliards de sabords....saperlipopette, j'ai voulu dire d'excuses par ce silence qui dure plusieurs jours déjà....Il se fait que suis légèrement débordé, le départ de François en congé me donne un surplus . En plus je suis au lit (théoriquement) depuis hier par une grippe. Je bien dis théoriquement parce que je suis allé faire un accouchement hier matin, puis le soir une péritonite et je reviens du bloc pour une autre péritonite.
Vous êtes vraiment formidables, bravo à toutes et tous... Prosper n'est pas là en ce moment, mais nous disons tous BRAVO.
Amitiés. Je t'embrasse.
Leopoldo »
« Bonjour Marie
J'ai envoyé une réponse à ta lettre qui n'est sans doute pas partie, je m'en aperçois maintenant
Pour te remercier de la grande joie que toi et tes amis nous procurent et qui sera pour les bénéficiaires un vrai bonheur de sentir que sous peu, le souci qu'ils ont de s'abriter sous une bâtisse destinée à être emportée par la première bourrasque ne sera qu'un souvenir.
Pas plus tard que ce matin, j'ai reçu un message pathétique m'annonçant que le toit de la véranda a été emportée par l'orage de la nuit dernière.
Comme on le voit, il n'y a de fatalité que l'inaction et l'insouciance. Merci à toi et â tes amis pour savoir entretenir l'espoir en nous . Merci à vous de montrer qu'en l'homme, il y a noblesse: le sentiment de solidarité qui nous permet de croire en l'espèce humaine. Merci pour votre audace. Merci pour ce que vous êtes et serez.
À bientôt , Marie
J'embrasse,
Prosper

mercredi 20 février 2013

Histoires de vie

Chers amis,
Nous fêtons aujourd’hui l’Aïd Al Kabir, que rappelle le geste d’Abraham en offrant son fils Isaac et en plus c’est dimanche…. Cela signifie que je trouve enfin un peu de temps pour vous raconter un peu de Goundi.
C’est la fin des pluies. Pendant 4 mois le ciel nous a bien arrosés, ce qui promet un garde-manger bien fourni pendant quelques mois. Cela crée aussi les conditions idéales pour la prolifération des moustiques et notre hôpital est plein des malades, la plupart par paludisme compliqué. Nous sommes en « haute saison » : Les patients font un maximum de deux ou trois jours puis continuent les soins au niveau de l’ambulatoire… certains ne sont pas tout à fait rétablis mais il y a toujours quelqu’un plus grave qui attend un lit. On ne parle pas beaucoup de paludisme mais il reste, de loin, le problème prioritaire de santé au Tchad et la première cause de mortalité.
Les vents du Nord n’ont pas seulement emmené la pluie…Marie nous est revenue. Il y a un an déjà on lui avait « donnée la route » et elle a fait usage de ce don. Donner la route signifie consentir à laisser partir quelqu’un, même si cela nous coûte, laissant ouverte la possibilité d’un retour. À son retour, celui qui a reçu la route n’est plus un étranger comme la première fois : Il revient chez-lui. Bien des Goundiens (ennes) ont été ravis de l’embrasser et ils n’ont pas manqué de la complimenter à la charmante façon locale : Mon Dieu, comme tu as grossie ! L’expression est choquante pour un non Tchadien mais elle ne signifie pas que vous êtes gros. Tout simplement on est content de vous trouver en bonne santé.
Marie est arrivée chargée d’énormes valises pleines de petits trésors. Des choses qui sont peut-être banales ailleurs mais que pour nous sont fondamentales : Pansements stériles autoadhésifs, que nous utilisons pour les patients chirurgicaux, des clamps de Bahr pour les enfants de la maternité, du lait maternisé pour les petits orphelins, des couvertures thermiques pour les prématurés (nous n’avons pas d’énergie tout le temps pour faire fonctionner une couveuse), des médicaments, des pinces et du matériel médical, un ordinateur qui a pris place à la consulte de l’ambulatoire, et des petites gourmandises qui ont fait la joie des soignants aussi.
Les dix jours se sont envolés bien trop vite. Nous lui avons redonnée la route, bien conscients de qu’un lien bien réel se tisse entre Lyon et Goundi. Nous avons chaud au cœur en pensant à toute l’équipe qui là-bas travaille avec le même objectif que nous. Merci à tous de tout cœur ! Lapia’ngaye (la paix soit avec vous).

Léopoldo, directeur de l'hôpital


 Nuit du 17 juin à Goundi
Après avoir suivi dans la TV les résultats des élections  en France , Leopoldo est parti se reposer et moi je suis resté encore accroché à la TV, jusqu’au moment où j’ai décidé aussi de partir me reposer. Pour éteindre la TV je dois prendre un câble qui entre par la portée de la maison avec  le courant qui vient d’une batterie…Et voilà que juste à côté du câble il y a quelque chose.
Je regarde autour pour voir avec quoi je pourrais l’assommer, sans  arrêter de le regarder, pour voir où il  va passer…La seule chose que j’ai à portée de main est la chaise en plastique, et je bouge un peu pour la prendre…L’intrus a vu que je bouge, fait demi-tour et sort vers la véranda. Je profite pour prendre une barre en fer, un bâton et une lampe puissante…et je sors vers la véranda.Et dehors, dans la véranda, pas de trace…Plus loin, dans la cour, pas de trace... Je rentré à la maison et je vais regarder dans la petite chapelle, pour voir s’il  a glissé sous la porte de la véranda…et il n’est pas dans la chapelle… Je vais me reposer… mais avant de me mettre au lit je vais visiter le WC, et, on ne sait jamais, en plus de la lampe je prends la barre de fer… Et…il était-là, le traitre… après avoir sorti de sa cachette dans la véranda, probablement avait trouvé refuge sous l’étagère-atelier de Leopoldo, après avoir glissé sous la porte de la chapelle, avoir traversé la chapelle, et entrant déjà dans le couloir, à l’intérieur de la maison… Il hésitait sur le chemin à prendre : la porte qui ouvre à la douche-WC pour les hôtes, ou celle de François, ou celle de Leopoldo ou la chambre de Leopoldo… Un bon coup avec la barre en fer lui a cassé la colonne, mais ne l’a pas tué, et il se défendait avec des mouvements rapides de son cou et de sa tête. J’avais besoin d’un autre outil pour lui donner le dernier coup… et en arrivant à ce point on remercie le fait de vivre en communauté…
Mon cri au milieu de la nuit a fait sortir Leopoldo du monde des rêves et l’a amené de nouveau sur celui-là, plus prosaïque et dangereux… Sortant de sa chambre et ouvrant grands yeux il s’est rendu compte de la situation… Je lui ai montré où j’avais laissé le bâton et avec celui-ci il a tué le reptile.
Après nous sommes partis nous reposer…
Ce matin, j’ai pu observer  de près le reptile…Je crois qu’’il s’agit de BITIS, espèce très dangereuse qui produit des fortes hémorragies dans la victime … 58 cm de long. Tête triangulaire, courte queue
Nous avons en ce moment plusieurs hospitalisés, mordus par serpent. Nous pouvons les traiter grâce à des bons amis qui nous ont fait parvenir les sérums antivenimeux polyvalents ( Bitis, Equis, Naja)
Je remercie Dieu parce qu’l nous a gardé indemnes, et j’ai un souvenir pour  remercier les personnes qui nous permettent de soigner les « non indemnes »
Note : La narration est véridique. Les photos sont réelles, certaines faites ce matin, en reconstituant les faits.

Franscesco, chirurgien de l'hôpital

le fameux bitis

"Ce matin nous avons été réveillés par des tirs de Kalashnikov…C’est la fin du Ramadan, l’Aïd –al-Fitir, une des fêtes le  plus importantes du calendrier musulman. Comme il est habituel, lors des célébrations, les coups de fusil font office de pétards. C’est une fête mobile, donc nous ne pouvons pas  prévoir que la journée serait chômée. J’ai mis bien plus de temps, en profitant de l’absence des consultations, pour le tour de visite des malades au lit.

 A midi, Madame Baye Khadîdja, _ qui tous dans le village appellent « Khadîdja-Radio » ou en arabe local « Khadîdja-Kalam » (Khadîdja la bavarde)… parce qu’elle parle sans arrêt et avec une voix qui porte, de façon qu’il est carrément impossible de ne pas l’entendre_ nous a envoyé un plateau plein des gâteux (des beignets à l’huile et pâte d’arachide) pour nous faire participer de la fête.
Nous avons une longue histoire avec Khadîdja : Son mari est décédé dans notre hôpital, des suites d’un cancer, il y a une dizaine d’années. Elle avait 5 fils qui sont morts l’un après l’autre de SIDA. Depuis le début de la maladie de son mari, nous  nous sommes donc habitués à la voir en train d’assister quelqu’un souffrant. Après le décès d’Amine, son dernier fils, elle a continué à être présente dans la cour de l’hôpital. Dans le vécu de la foi musulmane, visiter les malades est une chose qui se prend au sérieux. Elle est toujours là prête à rendre service ou tenir compagnie (parfois le plus grand des services) aux malades seuls.
En Afrique, une femme qui a perdu son mari et ses enfants, est proie d’un malaise existentiel insurmontable. La dépression et les carences matérielles qui cette situation entraîne font mauvais ménage et  il n’est pas rare que les femmes se laissent abattre par le poids de circonstances. Eh bien, nôtre Khadîdja à nous, a su dépasser ses peines : Elle a courageusement pris en charge ses nombreux petits-fils restés orphelins et a continué à apporter aux malades le réconfort d’une visite.
Il y a quelques mois elle est venu en consultation par une douleur dans un sein. J’ai trouvé une tumeur du sein droit. Une échographie a vite confirmé l’allure maligne de la lésion. Comme il est la coutume chez nous, je lui ai parlé franchement de la nature de son problème. En ce moment père François, notre chirurgien en titre était parti en Europe (vacances). Elle a décidé d’attendre son retour pour se faire opérer. J’étais accompagné d’un chirurgien européen, mais elle a voulu attendre François.  Prosper Beotombaye, notre chef du personnel, reconnaissant de son appui inconditionnelle a toutes nos activités d’animation sanitaire, lui a proposé de séjourner dans une de nos deux « chambres privées » (chambre avec salle de bain et deux lits, un pour le patient et l’autre pour l’accompagnateur, c’est notre « haut de gamme » à Goundi).  
Celle qui avait été garde malade est devenu a son tout patiente. Il faut reconnaître qu’elle a été facile comme malade. L’opération s’est bien passée et pendant deux ans nous avons cru que la tumeur ne reviendrait pas.
Septembre 2011
Hélas, il a fallu se rendre à l’évidence. Une récidive tumorale avec des multiples métastases. Nous avons fait quelques cycles de chimiothérapie, envoyée par des amis de l’Europe, qui n’ont pas donnée grand-chose. Khadîdja elle-même a décidé de l’arrêter. Elle n’a pas vécu passivement sa maladie, même très souffrant et impossibilité de marcher, se faisait porte dehors de sa chambre pour saluer les passants, ses voisins de chambre. Elle a gardé un mot drôle et rassurant pour tous jusqu’à son dernier souffle."
Léopoldo, médecin directeur